Le village

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Son histoire



Préhistoire



Le site archéologique

 

« A Vassieux, au soir du 10 mai 1970, je m’aventurai sous les couverts, à 1200 mètres d’altitude. Toutes les conditions nécessaires à la découverte d’un gisement étaient réunies et, en premier lieu, la présence d’un abondant silex de bonne qualité… à mes pieds, sur plusieurs mètres de long, des rognons de silex brisés et de nombreux nucléus à grandes lames formaient un vaste pierrier… »

« …la première mesure à prendre était de baptiser ce vieux nouveau-né que je venais de restituer à l’histoire des hommes… atelier était prématuré. Pierrier : P et P51 me parurent de bonne venue »

Michel Malenfant

 

La fouille du P51 a été particulière en ce sens que le mobilier archéologique n’est constitué que de silex taillés. Comme le site, très peu enfoui, était recouvert d’un murger, les vestiges ont été bien conservés. En 1971, au cœur de la nappe de silex, le sondage de 4m2 en forme de T a été conduit jusqu’au sol stérile, ceci pour mesurer l’épaisseur et tenter de déceler plusieurs phases d’exploitation. En 1973, les archéologues retirent le murger et enlèvent la couche superficielle de silex pour découvrir l’atelier tel qu’il se présente aujourd'hui. En 1978 et 1988, d’autres fouilles sur des zones aux abords du P51 seront effectuées avant les travaux de construction d’un premier Musée en 1980 et son extension de 1992.

 

L’atelier est couvert dès le premier trimestre de 1979. Les premiers visiteurs sont accueillis au Musée de site préhistorique qui est inauguré le 26 juin 1980. Le P51, seul atelier pressignien connu en Europe dans un tel état de conservation, est classé Monument Historique par le Ministère de la Culture en 1982. Sous la maîtrise d’ouvrage du Parc du Vercors, une extension sur deux niveaux est réalisée en 1991/92 afin de développer une approche complémentaire sur l’archéologie du Vercors. En 2008 après travaux, le Musée prend la forme actuelle avec une nouvelle muséographie qui conduit à découvrir le Vercors (caractéristiques géologiques, géographiques et climatiques) et les différentes phases de l'occupation humaine. La présentation des résultats des fouilles archéologiques menées depuis 30 ans sur le Vercors permet de voyager des premières incursions humaines au paléolithique jusqu'aux ateliers de taille néolithiques.

 

Sites d’atelier de taille de silex

 

Les sites d’atelier sont des lieux de travail où l’on trouve les traces de la chaîne opératoire de la taille. Les matériaux sont extraits et dégrossis sur place, puis débités sur place ou ailleurs. Il reste sur le terrain des traces éventuelles d’extraction, et surtout de très abondants déchets de taille.

 

La production en série de petites lames de silex « vercusien »

De telles petites lames fabriquées à Vassieux en Vercors ont été retrouvées dans une dizaine de sites néolithiques anciens du Vercors. Sur la plupart de ces sites, ces produits sont minoritaires, ils n’étaient pas économiquement indispensables, ni techniquement, car partout, on savait faire de même sur le silex locaux. Il faut donc voir une signification essentiellement sociale dans cette diffusion. C’est plutôt pour disposer de biens d’échanges à redistribuer ou à offrir lors de rencontres avec d’autres groupes. Ce type de production était certainement le fait de petits groupes d’hommes venus profiter chaque été de l’abondance du silex à cette extrémité sud du Vercors.

 

La production de grandes lames de silex « pressignien »

Au néolithique final, le plateau de Vassieux en Vercors est particulièrement exploité pour ses blocs de silex de grande dimension pour la production de grandes lames de silex. Cette production est en filiation directe avec celle du Grand-Pressigny, dans le sud de la Touraine. Les détails de cette technique de taille sont si particuliers qu’ils n’ont pu être transmis de bouche à oreille : ce sont des tailleurs spécialistes, entraînés au Grand-Pressigny qui sont venue travailler ici à Vassieux. Les grandes lames ont une valeur symbolique d’affichage et les quantités produites laissent aussi penser qu’elles ont pu prendre une valeur d’échange plus économique, notamment contre du sel, des étoffes et des céramiques qui sont également les produits d’artisans spécialisés.

Plus de 2000 nucléus ont été décomptés autour et sur le P51, dont 1162 à faciès pressignien, dits « en livre de beurre ». La fouille de 4m2 ayant livré 70 de ces nucléus, on peut estimer raisonnablement à au moins 5000 le nombre de nucléus à longue lames débités, soit environ 10 000 à 20 000 lames produites et emportées.

 

Époque moderne et contemporaine



 

 

 

 D'après la carte de Cassini, planche 120 (Valence) levée de 1768 à 1776 et éditée vers 1779, le nom de la commune s'orthographiait alors Vascieux.

 En latin ordinaire, on trouve les libellés Vacivo, Vascivum, Vassivum, qui pourraient signifier Château, mais rappellent davantage le latin vacivus « non occupé », et qui sont à l'origine du gentilé actuel Vassivain.

 Avant 1790, le village était rattaché au diocèse de Die, archiprêtré du Royans-Vercors puis du Vercors. Pour l'administration fiscale et royale, c'était également une communauté de l'élection de Montélimar, subdélégation de Crest, et bailliage de Die.

 

Un peu plus tard, sous le cadastre napoléonien, le village porte le nom de Vassieu. Il est rattaché au district de Die.

 

Le village était, en 1793, dans le canton de Saint-Julien-en-Quint. Il fut rattaché au canton de La Chapelle-en-Vercors lors de la réorganisation administrative de l'an VIII (1799-1800).

 En 1911, Vassieux apparaît sous le nom de Vassieux en Vercors dans le Bulletin des lois.

 

 

Vassieux-en-Vercors 1942 – 1944



 

"village dans le maquis et village martyr"

Texte rédigé par : Pierre Louis Fillet - Directeur Musée de la Résistance de Vassieux en Vercors

 

 

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

*Vergnon Gilles, Le Vercors. Histoire et mémoire d’un maquis, Paris, Les Editions de l’Atelier, 2002, 256 pages.

*Dreyfus Paul, Vercors, citadelle de la liberté, Grenoble, Arthaud, 1969 ; réédition, Romagnat, de Borée, 2005, 416 pages.

*Escolan Patrice, Ratel Lucien, Guide mémorial du Vercors Résistant, Drôme-Isère, 1940-1944, Paris, Le Cherche-Midi, 1994, 406 pages.

*La Picirella Joseph, Témoignages sur le Vercors, Vassieux-en-Vercors, Musée de la Résistance du Vercors, 2001 (17e édition), 478 pages.

*La Picirella Joseph, Le martyre de Vassieux-en-Vercors, Vassieux-en-Vercors, Musée de la Résistance du Vercors, 1994, 150 pages.

 

 INTRODUCTION

La Croix de la Libération, décernée à Vassieux-en-Vercors en 1945 révèle le destin glorieux et tragique de ce village durant le Seconde Guerre mondiale. Cette histoire singulière prend sens dans le contexte plus large de l’histoire du maquis du Vercors dans laquelle Vassieux occupe une place à part. Vassieux lui confère une notoriété immense tout en en devenant un symbole. Le présent article propose donc une double lecture, avec des aller-retour entre l’histoire générale du maquis, pour la compréhension d’ensemble et des regards précis sur le village de Vassieux pour en saisir la singularité.

 

Le nom Vercors a plusieurs acceptations géographiques : originellement, il désigne les cinq communes drômoises du canton de La Chapelle-en-Vercors dont Vassieux. A partir du début du XXe siècle, des géographes donnent, par métonymie, ce nom à l’ensemble du massif montagneux dans lequel se trouve ce canton. Ce massif calcaire des Préalpes (1000 mètres d’altitude) s’étend sur la Drôme (au sud) et l’Isère (au nord, avec le canton de Villard-de-Lans). Les immenses falaises le bordant ont forgé l’image de forteresse naturelle. Au nord du massif se trouve la ville de Grenoble, à l’ouest Valence et au sud Die. Le maquis du Vercors s’étend sur l’ensemble de massif et sur ses piémonts (avec les communes du Royans à l’ouest).

 

En 1939, Vassieux est peuplé de 430 habitants. Durant les premières années de guerre, Vercors en général et Vassieux en particulier, ne sont pas affectés ni par les quelques semaines du conflit entre mai et juin 1940 ni par la mise en place du Régime de Vichy. Les notables traditionnels restent en place. Les difficultés d’approvisionnement ne concernent pas le Vercors du fait de sa vocation agricole. Le Vercors développe très tôt une vocation d‘accueil de personnes réfugiés, prolongeant une vocation touristique en plein développement. Cet accueil a pris différentes formes selon les villages (des familles originaires du Var par exemple dans le canton de La Chapelle, des établissements scolaires parisiens à Villard-de-Lans…).

 

DEBUT 1943 – JUIN 1944 : REFRACTAIRES ET MONTAGNARDS

 

Le Vercors en Résistance : la double filiation originelle

L’entrée du Vercors en Résistance procède d’une double impulsion : la création de camps de réfractaires et le plan Montagnards de Pierre Dalloz.

 

Les camps de réfractaires

La période fin 1942 – début 1943 marque un tournant de la guerre ; les succès alliés rendent crédibles la perspective d’une défaite des puissance de l’Axe. En France, les occupants allemands accroissent sensiblement leur pression sur le pays : suite au débarquement allié en Afrique du Nord, ils envahissent la zone sud en novembre ; ils confient à leurs alliés italiens l’occupation des départements du sud-est dont la Drôme et l’Isère.

Par ailleurs, l’Allemagne nazie alourdit la contribution des pays occupés à son effort de guerre ; le gouvernement de Pierre Laval instaure dès septembre la Relève qui impose les premières réquisitions d’ouvriers puis surtout, en février 1943 le Service du travail obligatoire (STO), qui contraint de nombreux jeunes âgés de 20 à 22 ans à partir travailler en Allemagne. Beaucoup refusent : ce sont des réfractaires. C’est dans ce contexte que naissent les maquis dont l’apparition, dans tous les massifs montagneux de la zone sud, marque un tournant essentiel dans l’histoire de la Résistance.

Localement, un groupe de socialistes grenoblois, emmené par le docteur Léon Martin, , ancien député-maire de Grenoble, contacte dès 1942 plusieurs socialistes du Vercors et du Royans (Eugène Samuel, les frères Huillier, Benjamin Malossane …). Ensemble, ils s’affilient au mouvement Franc-Tireur et créent une déclinaison locale baptisée Franc-Tireur-Vercors. Ce groupe organise, dans le Vercors , plusieurs camps de refuge pour les réfractaires : le premier d’entre eux est créé à la ferme isolée d’Ambel, près du col de la Bataille en janvier 1943 ; il accueille des cheminots de la région grenobloise. D’autres camps essaiment ensuite dans les premiers mois de 1943 dans tout le massif du Vercors dont deux à Vassieux : le C6, camp n° 6, près du col de La Chau, sur les hauteurs de Vassieux et le C8 au sud du village, dans une ferme isolée.

Franc-Tireur Vercors prend en charge l’organisation de ces camps afin d’assurer l’acheminement, la subsistance, l’approvisionnement et la sécurité de ces réfractaires. Le noyau initial d’hommes doit s’étoffer et multiplier les relais locaux et les complicités indispensables à l’existence de ces camps (par exemple à La Chapelle-en-Vercors Louis Mossière, Fabien Rey dit «Marseille», Georges Clergé…).

 

Le Plan Montagnards

Parallèlement à la création de ces camps, un projet stratégique voit le jour. Pierre Dalloz, alpiniste et architecte, rédige en décembre 1942 une «note sur les possibilités militaires du Vercors » ; il imagine une utilisation stratégique du Vercors présenté comme une citadelle naturelle protégée par des remparts de falaises. Le projet vise dans un premier temps à aménager des terrains d’atterrissage pour donner au Vercors, dans un deuxième temps, le rôle de base offensive ; lors d’un débarquement en Provence, profitant d’une situation critique de l’armée allemande, le Vercors recevrait des troupes alliées aéroportées. Pierre Dalloz fait transmettre par l’intermédiaire du journaliste Yves Farge le projet à Jean Moulin qui le valide. Le Général Delestraint, chef de l’Armée Secrète, donne au projet le nom de code Montagnards et le transmet à Londres ; il le fait approuver par l’Etat-major du Général de Gaulle comme en témoigne la diffusion, le 25 février 1943, sur les ondes de la BBC du message «Les montagnards doivent continuer à gravir les cimes». Pierre Dalloz rassemble alors une petite équipe pour la préparation du projet (Alain Le Ray, Jean Prévost…).

 

La fusion des deux initiatives

Ces deux initiatives sont indépendantes l’une de l’autre. Leur fusion, par l’intermédiaire de Yves Farge, qui connaît les deux équipes, en mars 1943 est rapide ; l’acceptation du plan Montagnards apporte d’importants financements de la France libre ce qui soulage les organisateurs des camps de réfractaires. Un premier comité de combat est mis en place pour la préparation du projet Montagnards. Des repérages sont effectués sur le terrain. Le 3 mars 1943, Yves Farge, Aimé Pupin, Pierre Dalloz et Eugène Samuel visitent le Vercors ; Vassieux est alors repéré pour accueillir de futurs parachutages.

Cependant, au printemps 1943, cette organisation est anéantie suite à plusieurs arrestations dont celles du Docteur Martin, d’Aimé Pupin, de Victor Huillier et au départ de Yves Farge et de Pierre Dalloz (ce dernier rejoint Alger). Surtout, les arrestations en juin de Jean Moulin et de Charles Delestraint, détruisent les liens personnels entre ce projet et la France Libre. Un deuxième comité de combat s’installe sur le Vercors à l’automne 1943 ; il rassemble de manière équilibrée Franc-Tireurs et Montagnards, des civils socialistes et des militaires. Les responsabilités sont partagées avec la désignation d’un chef civil, Eugène Chavant et d’un responsable militaire, Alain Le Ray (jusqu’en janvier 1944, remplacé par Narcisse Geyer jusqu’en mai 1944 puis par François Huet).

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L’objectif des responsables est double :

* encadrer et militariser les camps de maquisards afin de transformer les réfractaires en combattants

* préparer l’application du plan Montagnards en poursuivant le repérage de terrains d’atterrissage, en créant des compagnies civiles de réserves (à Villard-de-Lans, Grenoble, Romans…) qui doivent rejoindre le Vercors lors du débarquement allié. Les modalités du plan Montagnards ont été présentés à l’ensemble des responsables civils et militaires, les 10 et 11 août 1943, lors de la réunion de Darbounouze, sur les hauts-plateaux du Vercors.

 

La vie quotidienne : vivre dans les camps, rapports avec les habitants

Vivre au camp

Jusqu’en juin 1944, entre 300 et 400 hommes vivent dans le maquis ; les effectifs varient en fonction des saisons avec des départs en hiver du fait du climat rude et de l’éloignement de la perspective d’un débarquement allié. Les maquisards sont souvent jeunes (moins de 25 ans) et originaires de la région (Drôme, Isère). La vie au maquis, en forêt, dans des abris spartiates est rythmée par des corvées de subsistance (approvisionnement en eau, en nourriture, en bois…), des tours de garde…. S’y ajoute l’entraînement au maniement des armes même si au début, les armes sont peu nombreuses et rudimentaires. Des «Equipes volantes», composées d’intellectuels de l’Ecole des cadres d’Uriage ont en outre rencontré les maquisards pour leur dispenser formation militaire, instruction politique et éducation morale (discussions, lectures de textes, apprentissage de chants…)

 

Les habitants

L’existence pendant un an et demi d’un maquis dans le Vercors n’est possible que grâce au soutien des habitants : toute dénonciation serait irrémédiable. Tous connaissent la présence de ces groupes d’hommes vivant dans les bois, et avec qui ils ont des contacts réguliers. Le soutien de notables locaux (instituteurs, curés, maires, hôteliers…) facilite cette acceptation par les villageois ; chez certains l’accommodation est minimale, d’autres observent une neutralité bienveillante. Pour les plus engagés, l’aide est active et multiforme : guidage, approvisionnement, planque, accueil à domicile... Ainsi en témoigne un maquisard du camp 6 de Vassieux : «Le hameau de Jossaud, placé sous notre col à quelques minutes de galopades dans les rocs abrupts, nous procurait du lait et du ravitaillement. Ses habitants, de bonnes gens, aimaient à nous voir, nous sentir là, près de chez eux, et chaque soir ils étaient heureux de laisser envahir leur maison par quelques uns d’entre nous. Les émissions de Londres apportaient avec l’espoir un peu de force.»

La brigade de gendarmerie de La Chapelle-en-Vercors a apporté un soutien important au maquis. Neutre et bienveillante dès le début, son engagement croît au fil des mois : protection et alerte des maquisards en cas de danger, envois de rapports erronés puis participation active aux combats de l’été 1944. Elle est la seule brigade française a avoir reçu collectivement la médaille de la Résistance.

 

Alliés et parachutages

Les relations avec les Alliés sont importantes pour le maquis : des équipes assurent les liaisons radio mais elles restent fragiles avant juin 1944 (manque de moyens, attaques allemandes…). Les parachutages alliés, d’armes et de munitions, sont essentiels pour les maquisards qui sentent ainsi le soutien des états-majors alliés. Sept terrains, désignés avec le nom d’articles de papeterie, ont été homologués par les Alliés dans le Vercors. Le plus important est le terrain Taille-crayon (Gabin avant juin 1944) à Vassieux conçu pour accueillir hommes et matériel. Le maquis reçoit un premier parachutage allié le 13 novembre 1943. Trois parachutages ont lieu au printemps 1944 dont deux à Vassieux notamment, le 10 mars, avec le largage de plus de 75 containers d’armes.

 

Les premières épreuves : accrochages du premier semestre 1944

Les incursions allemandes

En 1943, hormis quelques petits accrocs (en septembre à Vassieux entre maquisards et soldats italiens en fuite après la capitulation italienne…), le maquis n’est pas inquiété. Début 1944 en revanche, le Vercors connaît plusieurs incursions meurtrières.

Le 22 janvier, après l’arrestation par des maquisards de fonctionnaires allemand en excursion dans le Vercors, un colonne allemande conduit une opération de représailles (incendie du hameau des Barraques et d’une scierie au hameau de Rousset).

Le 29 janvier, la Wehrmacht anéantit le maquis de Malleval, exécutant plusieurs personnes et brûlant des fermes. Ce maquis indépendant, créé par Albert Séguin de Reyniès, membre de l’ORA, ne dépendait pas du Comité de combat du Vercors.

Le 18 mars, à Saint-Julien-en-Vercors, une colonne allemande attaque la ferme dans laquelle Descour a installé son Etat-Major régional et une équipe d’opérateurs radio. 6 maquisards et 3 civils périssent, plusieurs fermes sont incendiées.

 

La Milice à Vassieux

Ayant bénéficié d’informateurs professionnels, venus à Vassieux comme «touristes», plusieurs centaines de Miliciens et de GMR, sous les ordres de Raoul Dagostini, investissent le village, du 16 au 23 avril. L’objectif est de débusquer des maquisards, trouver leurs caches d’armes et faire cesser le soutien des habitants à ces hommes. Prévenus de cette arrivée, les maquisards parviennent à se disperser. La Milice s’installe à l’hôtel Allard et ses hommes multiplient interrogatoires, menaces, perquisitions... Raoul Dagistini fait afficher un avis appelant les habitants à dénoncer maquisards et caches d’armes. Plusieurs d’entre elles sont trouvées ou livrées. Le curé du village, l’abbé Gagnol parvient durant cette semaine à s’imposer et à faire libérer des otages menacés d’exécution ; il s’insurge, lors d’une messe devant des dizaines de Miliciens, de leurs agissements à l’encontre des habitants. Trois personnes sont finalement exécutées, d’autres sont emmenées prisonnières. Cette semaine laisse un climat de malaise dans la population.

En ce début d’année 1944, le Vercors connaît donc des difficultés ; aux tensions entre responsables militaires et civils, s’ajoute pour une population jusqu’alors relativement épargnée, le choc de la guerre, son lot de violence, de morts et de destruction.

 

 6 JUIN – 21 JUILLET 1944 : MOBILISATION ET RESTAURATION DE LA REPUBLIQUE

 

La mobilisation générale

L’annonce du débarquement allié en Normandie et les messages diffusés sur la BBC pour mobiliser la Résistance suscitent l’effervescence. Dans le Vercors, dans la nuit du 8 au 9 juin, le chef d’état-major régional Descour et le commandement du Vercors François Huet ordonnent la mobilisation générale. Les compagnies civiles sont appelée à rejoindre le Vercors : le massif est “verrouillé”, ses voies d’accès contrôlées. Le Vercors devient une zone libérée.

Des centaines d’hommes affluent, seuls, en petits groupes ou au sein d’organisations (tirailleurs sénégalais libérés à Lyon, gendarmes de la brigade de Nyons, de Saint-Marcellin…). Le 11 juillet, tous les habitants du Vercors âgés de 20 à 24 ans sont mobilisés. Mi-juillet, près de 4 000 Résistants sont dans le Vercors soit la plus importante concentration de la région.

 

Un tel afflux pose de multiples problèmes. La rencontre entre “anciens” du maquis et nouveaux arrivés génère des frictions. Pour les responsables, il faut nourrir ces hommes, les armer (d’où les demandes répétées de parachutages aux Alliés) et les entraîner au maniement des armes puisque la majorité d’entre eux n’a aucune expérience du combat. Le rythme des parachutages s’intensifie : le 13 juin à Méaudre et La Chapelle, le 25 juin à La Chapelle. Le plus important parachutage a lieu à Vassieux le 14 juillet ; le film Au cœur de l’orage en a immortalisé quelques moments ; en plein jour, 72 avions larguent 864 containers avec plusieurs tonnes d’armes.

Face à ce besoin d’encadrement, François Huet décide le 14 juillet de la “militarisation” du maquis. Tous les Résistants sont enrégimentés dans d’anciennes unités de l’armée française reconstituées : 6e, 12e, 14e bataillons de chasseurs alpins, 11e Cuirassiers.

 

Le Vercors reçoit aussi la visite de trois missions alliées, parachutées à Vassieux

- La mission Eucalyptus arrive le 28 juin, en pleine nuit ; commandée par un Major britannique, elle comprend entre autres deux radios américains et un agent français du BCRA. Cette équipe permet de renforcer équipes assurant les liaisons radio entre le Vercors, Londres et Alger.

- La mission Justine (14 hommes), parachutée la même nuit a pour objectif d’aider à l’instruction militaire des combattant et de les familiariser avec l’utilisation des armes alliées parachutées.

- La mission Paquebot enfin (5 hommes sous les ordres du capitaine Tournissa) arrive le 7 juillet. Son objectif est de transformer le terrain de parachutage Taille-Crayon de Vassieux en une piste d’atterrissage d’un kilomètre de long pour l’atterrissage d’avions de transport. Plusieurs dizaines d’hommes s’attellent à des travaux de terrassement, de déplacement de lignes électriques…Parmi les effectifs se trouvent une trentaine de membres du Lycée Polonais Cyprian Norwid installé à Villard-de-Lans, enrôlée dans la Résistance à la mi-juillet.

 

La République restaurée

Entre le 9 juin et le 21 juillet 1944 (début de l’assaut allemand), le Vercors constitue une zone libérée d’une ampleur inégalée en France. Le 3 juillet, Yves Farge, commissaire régional de la République proclame la restauration de la République dans le Vercors, à Saint-Martin. Le régime de Vichy avait mis à terre la République : pour la Résistance, cette restauration témoigne de leur volonté d’instaurer un contre-État face à ce régime et de préparer l’avenir.

 

Une organisation bicéphale est mise en place. Une administration civile est créée, le Comité de libération nationale du Vercors, présidé par Eugène Chavant secondé par Benjamin Malossanne et Raymond Tézier. Le commandement militaire, est assuré par François Huet, flanqué de Narcisse Geyer et de Costa de Beauregard. Tous ces hommes se trouvent au sein de village de Saint-Martin-en-Vercors. Marcel Descour, commandant militaire régional, arrivé dans le Vercors le 8 juin installe lui son état-major régional à Saint-Agnan.

Dans les faits, le comité civil est largement soumis aux militaires d’où des incidents entre les hommes de Chavant et ceux de Geyer, chef militaire de la zone sud.

La principale préoccupation du comité est de ravitailler le Vercors (rationnement, approvisionnement dans le Diois…) pour nourrir les 4 000 combattants présents.

 

La République restaurée se dote, dans le Vercors, des principaux services d’un État :

* des services de contrôle surveillent les déplacements aux principales sorties du Vercors (routes des Grands Goulets, des Gorges de la Bourne, Col du rousset…), délivrent des laissez-passer, vérifient les courriers avant leur distribution…

* plusieurs organes répressifs sont créés : un service de renseignement, un tribunal militaire du Vercors qui prononce la condamnation à mort de trois Miliciens ; surtout un “camp de concentration” s’installe à La Chapelle ; y est détenue plus d’une centaine d’individus parmi lesquels soldats allemands, Miliciens, collaborateurs et aussi beaucoup de simples suspects, ce qui gênent les responsables du Vercors.

* des instruments de communication existent avec l’édition d’un journal, Vercors Libre puis Le Petit Vercors

* les contacts avec l’extérieur sont assurés par trois équipes radio ; les services de transmission sur trouvent dans une laiterie, à Saint-Agnan ; les hommes de la mission Eucalyptus renforcent le dispositif.

 

Les premières offensives allemandes

Face à cette effervescence, les Allemands commencent ponctuellement à réagir. La première cible est le village de Saint-Nizier-du-Moucherotte, extrémité nord du massif, qui surplombe la ville de Grenoble ; c’est un point faible dans le dispositif défensif des Résistants. Les Allemands lancent deux assauts, un premier, repoussé, le 13 juin et un second, victorieux, le 15. Cette épreuve témoigne à la fois de la combativité des Résistants et de la suprématie de la Wehrmacht qui parvient in fine à prendre pied sur le massif.

A Vassieux, l’aménagement du terrain d’atterrissage est surveillé par un avion de reconnaissance allemand et le village devient la cible de bombardements ; le 13 juillet, des avions allemands larguent une dizaine de bombes ; le lendemain, après l’important parachutage diurne, des bombes incendiaires sont larguées en milieu d’après midi. Plusieurs morts sont recensés sur deux jours. L’église et plus de 40 maisons sont en flamme.

 

JUILLET – AOUT 1944 : ASSAUT ALLEMAND ET MARTYRE DE VASSIEUX

 

La préparation de l’offensive allemande

Les Allemands sont inquiets de la forte concentration d’hommes dans le Vercors alors que se profile la défaite du IIIe Reich ; ils craignent que ces Résistants puissent, lors d’un débarquement allié en Provence, conduire des raids dans la vallée du Rhône pour gêner un repli allemand du Sud de la France ; ils redoutent, sans les connaître, les dispositifs du plan Montagnards. Afin de lever ces menaces, après quelques attaques ciblées, l’état-major allemand prépare une offensive généralisée contre la zone libérée du Vercors.

Cette opération, baptisée Bettina est confiée au général Karl Pflaum qui commande la 157e Division de montagne et de réserve. Avec plus de 10 000 soldats, c’est la plus importante opération de la Wehrmacht contre un maquis en Europe. Plusieurs unités sont engagées : des bataillons de chasseurs de montagne bavarois (Gebigsjäger), de grenadiers, (Grenadierbataillone), d’Ostlegionäre (hommes de l’Armée Vlassov, appelés «Mongols» par les Français), un commando aéroporté, des hommes de la Felgendarmerie... Ces forces terrestres, spécialisées dans la lutte contre les maquis, sont appuyées par la Luftwaffe.

Le dispositif projette l’ouverture simultanée de trois fronts sur le massif : au nord, depuis Grenoble le groupement Feeger doit s’emparer du canton de Villard-de-Lans et progresser au sud ; sur les flancs orientaux, depuis le Trièves, le groupement Schwehr doit s’emparer des pas puis des hauts-plateaux ; à Vassieux, au cœur du dispositif français, les hommes du groupement Schäfer doivent arriver au cours d’ une opération aéroportée. Dès la mi-juillet, des troupes allemandes se déploient sur les piémonts du Vercors et encerclent le massif.

Dans le Vercors, conscients de l’imminence de l’attaque, les Résistants sont dans un rapport de force défavorable, sans armes lourdes et en infériorité numérique avec 4 000 hommes dont de nombreuses jeunes recrues inexpérimentées.

 

Les combats

Le 21 juillet l’offensive est déclenchée. Au nord, deux bataillons de la 157e Division progressent rapidement et sont, à la fin de la journée, maîtres du canton de Villard-de-Lans. Seul le “verrou” de Valchevrière tient encore. Le secteur est stratégique car il bloque l’accès au canton de La Chapelle-en-Vercors, au sud du massif. Le système défensif mis en place par Jean Prévost permet de repousser des assauts allemands mais le 23 juillet, le verrou saute, après une défense acharnée des chasseurs du lieutenant Chabal.

A l’est, deux bataillons de chasseurs de montagne partent à l’assaut de l’imposante ligne de falaise constituant la bordure du Vercors. Plusieurs pas (cols), défendus par de petits groupes de Résistants, tombent dès le 21 juillet ; les combats se poursuivent le 22 ; le 23 juillet, les derniers pas sont pris par les soldats allemands.

A Vassieux, à 9h du matin 22 planeurs allemands DFS 230, tractés depuis l’aérodrome de Lyon par des bombardiers Dornier 17,atterrissent aux abords du village et des hameaux. A leurs bords, 200 parachutistes surgissent et ouvrent le feu. Malgré l’effet de surprise, les résistants tentent de riposter. De violents combats s’engagent. Même si les contre-attaques lancées par les résistants présents à Vassieux, épaulés par des renforts venus d’autres secteurs du Vercors, échouent, la situation des soldats allemands retranchés dans le village reste délicate ; leurs dispositifs sont contrariés par les mauvaises conditions météorologiques qui rendent impossible l’acheminement de renforts par les airs. La violence des combats multiplie les pertes humaines : au soir du 21 juillet on dénombre déjà plus de 100 morts côté résistants et une trentaine côté allemand. La situation reste indécise le 22 juillet. Le 23 juillet, grâce au retour du beau temps les hommes du groupement Schäfer reçoivent des renforts décisifs : se posent à Vassieux une nouvelle vague de planeurs DFS 230 et deux planeurs lourds de transport, des Gotha 242 avec armes lourdes et munitions. Les Allemands deviennent ainsi rapidement maîtres de la situation et mettent un terme à la bataille de Vassieux.

Au soir du 23 juillet, le sort du Vercors est scellé. Les troupes allemandes ont pris des avantages décisifs sur tous les fronts et progressent partout dans le massif. Au sud du Vercors, la ville de Die est occupée. En fin d’après-midi, François Huet, chef militaire du maquis, donne l’ordre de dispersion. Les hommes doivent cesser le combat et se nomadiser en rejoignant les forêts.

Les soldats des différents groupements effectuent leur jonction au cœur du massif. Ils reçoivent la consigne de ratisser le Vercors, pour traquer les Résistants, détruire leurs repaires et empêcher leur maintien (en emmenant par exemple une bonne partie du bétail). Les exactions se multiplient (massacres de 16 hommes dans la cour des fusillés, à La Chapelle-en-Vercors, le 25 juillet, anéantissement de l’hôpital du maquis retranché à la grotte de la Luire, le 28 juillet …). De nombreuses fermes sont incendiées. Parmi les Résistants, certains parviennent à se cacher et à survivre en forêt. D’autres, souvent arrivés en juin dans le Vercors, tentent de quitter le massif; beaucoup sont interceptés au pied du Vercors par le cordon de soldats qui ceinturent le massif et sont exécutés.

 

Bilans et polémiques

Les troupes allemandes quittent le Vercors à la mi-août laissant le massif dans un état de désolation totale. Le bilan humain dans l’ensemble du Vercors est lourd : 840 morts dont 639 résistants et 201 civils. Les combats, les bombardements et le ratissage expliquent l’ampleur des dégâts matériels : plus de 500 bâtiments détruits, les récoltes dévastées ou incendiées, une grande partie du cheptel réquisitionnée ou tuée.

Le village de Vassieux, théâtre des plus violents combats, est le plus atteint : 73 habitants sont morts (15% de la population d’avant guerre) et près de 120 résistants ; 97% des constructions ont été détruites.

 

Après l’anéantissement du Vercors, des voix ont accusé, à tord, les Alliés de trahison, notamment après l’envoi à Alger, le 21 juillet 1944 par Eugène Chavant d’un télégramme conclut par « Agissez très vite. Si aucune aide, population et nous jugerons Alger des lâches et des criminels. Je répète : lâches et criminels ». En juillet, le Vercors attend en effet l’envoi de moyens importants car début juin, Chavant a obtenu à Alger la confirmation de la validité du plan Montagnards. Cependant depuis le départ de Dalloz, les liaisons entre le Vercors et la France libre sur ce plan sont inexistantes : mal informés, les interlocuteurs de Chavant se sont engagés hâtivement. Par ailleurs, en juillet 1944, les Alliés sont confrontés à de multiples demandes d’aide en France. Ils concentrent leurs moyens en Normandie. Les demandes du Vercors, comme celles d’autres maquis, ne sont pas prioritaires. Cette combinaison de malentendus, de méconnaissance et d’engagements irréalistes expliquent cette incompréhension.

 

CONCLUSION

Le village de Vassieux, qui a reçu les principaux parachutages du maquis et abrité un terrain d’atterrissage, a surtout été frappé par la violence de la répression des Allemands et de leurs supplétifs : Milice en avril, bombardements et planeurs en juillet.

La consigne avait été de frapper vite et fort, sans épargner les civils, car l’état-major allemand croyait que Vassieux abritait le commandement suprême de la Résistance. La disproportion entre le rôle réel de Vassieux et la violence des assauts est saisissante.

Mi-août 1944, le village n’est plus qu’un vaste champ de ruines ; pour éviter toute contamination de maladies des membres de la Croix-Rouge de Die regroupent les corps des victimes et les enterrent provisoirement. Va ensuite s’enclencher le double processus de la rapide reconstruction matérielle du village et des progressives et multiformes constructions mémorielles.

 

 

 

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